Autour des drames qui ont marqué la Réforme agraire chinoise : une puissante oeuvre littéraire qui traite de la mémoire et de l’oubli.

Au de?but des anne?es 1950, lors de la Re?forme agraire, une famille de proprie?taires terriens se suicide pour e?chapper aux se?ances d’accusation publique, dites « se?ances de lutte », qui l’attendent. Les corps sont enterre?s sans linceuls ni cercueils dans des fosses creuse?es a? la va-vite. La jeune Daiyun est de?signe?e pour les combler, traumatisme — parmi d’autres — qui lui fera occulter le passe?.

Le roman Fune?railles molles aborde le sujet sensible et de?rangeant de la Re?forme agraire. Ayant pre?ce?de? d’une dizaine d’anne?es la Re?volution culturelle, c’est l’un des e?pisodes les plus meurtriers de l’histoire re?cente du pays, tre?s peu traite? dans la litte?rature chinoise en raison des tabous qui lui sont attache?s. Inspire? d’une histoire vraie, le re?cit part d’allusions voile?es aux e?ve?nements douloureux qu’a ve?cus une jeune femme et qu’elle a occulte?s sa vie durant car le souvenir en e?tait insupportable. Devenue a?ge?e, elle voit soudain le passe? resurgir violemment et, le choc ayant provoque? chez elle un e?tat d’apparente prostration, revit inte?rieurement a? l’envers, e?tape par e?tape, les drames disparus de sa me?moire tandis que son fils s’e?vertue a? les reconstituer — jusqu’au moment ou? il y renonce, l’oubli lui semblant pre?fe?rable.

Ce roman apparai?t a? la fois comme un document exceptionnel et comme une œuvre litte?raire majeure. Aussi inte?ressant par le fond que par la forme, il de?passe le cadre de la Re?forme agraire chinoise pour livrer une re?flexion universelle et toujours actuelle sur la tentation de l’oubli et le devoir de me?moire dans un contexte ou? la ve?rite? historique se re?ve?le insaisissable. Son importance a e?te? souligne?e par un article de Brice Pedroletti dans le Monde (26 aou?t 2017).

Parution le 13 février 2019