Les Mensonges du Sewol

Kim Takhwan

L’Asiathèque, 10 juin 2020


Un roman vrai poignant à la résonance très actuelle, avec en toile de fond le quotidien des plongeurs chargés d’explorer l’épave du Sewol.

Extrait. “Monsieur le Juge, Je veux être clair. […] Aucun d’entre nous ne s’attendait à être viré de cette façon. Pouvez-vous imaginer qu’on stoppe les opérations quand onze corps sont encore coincés à l’intérieur de la coque ? Tous les plongeurs, y compris Lyu, l’accusé, étaient prêts à travailler 24 heures sur 24 pour récupérer les disparus. Avril, mai, juin étaient déjà passés et en juillet notre impatience grandissait. Elle est toujours là, pendant que je vous écris. À la maison, dans un square, au supermarché, je m’arrête souvent. Je n’ai pas besoin de fermer les yeux pour visualiser le plan détaillé du bateau. […] Comme j’y ai laissé onze personnes, je fais toujours le même rêve. […] Ça me fait tout drôle. Les rares fois où j’écris, c’est sur mon carnet de plongée […]. Je n’aurais jamais imaginé rédiger une telle lettre.
Avec Les Mensonges du Sewol, Kim Takhwan a choisi de se focaliser sur les plongeurs professionnels auxquels a incombé la rude tâche de remonter à la surface les corps des disparus. Le fil conducteur du récit est la lettre que l’un d’entre eux, Na Kyong-su, écrit au juge chargé de l’affaire pour défendre un collègue accusé d’homicide par négligence à la suite du décès d’un plongeur. En contrepoint à ce plaidoyer qui reprend le déroulé des événements ayant suivi la catastrophe, « Les voix du 16 avril » mettent en scène diverses personnes atteintes par le drame ou impliquées dans l’affaire : d’autres plongeurs, la fiancée de Na Kyong-su, des parents de rescapés et de victimes, des jeunes gens ayant survécu, un avocat-conseil, un fonctionnaire obtus, et aussi diverses personnes livrant avec brutalité leur opinion négative sur les doléances des familles et celle des plongeurs, soupçonnés de chercher à se faire de l’argent sur le dos du contribuable.

Si l’auteur, par souci de conférer à son roman une portée universelle, fait le choix de ne nommer le Sewol que dans sa postface, ce drame, qui a profondément secoué la société coréenne et contribué à la chute de la présidente de l’époque, Park Geun-hye, a donné lieu à une série de films qui ont été vus par un public nombreux. Quatre sont des documentaires enquêtes, le cinquième est un long-métrage « commercial » sans critique politique : Diving Bell / The Truth Shall not Sink with Sewol (2014), de Lee Sang-ho, Intention, de Kim Ji-yeong, In the Absence (2019), de Yi Seung-jun, President’s 7 Hours (2019), de Lee Sang-ho, Birthday (2019), de Lee Jong-un.