INSTANCES 

Une oeuvre est la somme de tout ce par quoi l’artiste a été traversé. Celles qui sont montrées à Instances, parlent, bien sûr, du monde d’aujourd’hui, mais parcouru par l’expérience de la danse.

Et, s’il n’y a jamais d’idée préconçue ou de volonté délibérée qui présiderait à la programmation du festival, il est néanmoins possible de discerner une communauté de pensée entre les différents artistes ici présentés.

C’est particulièrement visible avec le focus sur le Liban, sorte de catalyseur de l’ensemble du Moyen-Orient. Les quatre chorégraphes que sont Omar Rajeh, Yara Boustany, Bassam Abou Diab et, dans une moindre mesure, Guy Nader, nous parlent des tragédies vécues ou ressenties dans leur environnement de guerre permanente. Qu’elle ait pour nom Liban, Syrie, ou autre. Mais le plus surprenant dans leurs oeuvres respectives n’est pas seulement de percuter le mur du vécu et le transfigurer au plateau, mais la transmutation par la danse de leurs peurs et de leurs colères en joie. Cette intensité, cette force, sillonnent toute cette édition d’Instances.

Tous les artistes présents étant traversés par cette même vitalité, cette jubilation, cette volonté farouche d’en découdre avec le réel, et de se battre pour que la danse soit toujours présente. Mais ils sont également réunis par une maturité dans leur parcours qui leur permet d’embrasser non pas un questionnement sur la danse, mais plutôt une évidence de l’oeuvre, une maîtrise du langage et du sens. Que l’on pense à Jan Fabre et ses formidables solos, bien sûr, ou à François Chaignaud, mais aussi à Alexandre Roccoli qui, avec Roberta Lidia De Stefano, pose la puissance portée par les corps féminins. Qu’il s’agisse de Marco da Silva Ferreira, qui relie le tribal à l’urbain le plus contemporain, ou d’Arthur Perole qui unit la tarentelle au voguing, avec, toujours pour fond de réflexion, la question du genre et celle de la joie.

Aujourd’hui, si je me retourne sur toutes les éditions d’Instances, je pourrais presque employer les mêmes mots que ceux qui caractérisent ce festival. Certainement, il aura fallu batailler pour imposer autant d’artistes de danse contemporaine inconnus dans nos territoires, sur un temps aussi resserré. Instances a su toucher progressivement un public de plus en plus nombreux, grâce à une relation de confiance établie au long cours. C’est le propre de la maturité. Mais sans conviction et sans la joie de faire ce métier, cela n’aurait peut-être pas été le cas.

Philippe Buquet, Directeur

12 > 19 novembre 2019